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Divagations d’une pédopsychiatre en errance « confidéconficovidée » …

par Anne DaSilva

Je suis furieuse et indignée quand je vois les effets du confinement sur les familles, les ados, les enfants : angoisses qui oppressent, boules aux ventres, nerfs en pelotes, nuits d’insomnie, estomacs qui se nouent, mélancolie qui coule dans les veines, conflits qui éclatent dans les couples, dans les maisons, derrière les portes closes et les fenêtres fermées, dans quelquefois quelques mètres carrés…

« A toutes les époques, la menace de mort met à nu les inégalités sociales et les conditions d’existence des individus. » Roland Gori

Je suis furieuse et indignée quand je vois : les enfants des quartiers, dehors, sermonnés par les bien-pensants, arrêtés par les gardes en rouge bleu blanc, ou bien calfeutrés, empêchés, régressés, ces enfants, à l’aube de leur vie, à qui l’on offre ce monde insensé ; les ados déracinés, ébranlés, connectés, déconnectés ; les vieillards exposés, esseulés, déboussolés, enfermés ; les mères de famille échevelées par les traites de fin de mois à régler, les courses à gérer, tout en voyant s’amoindrir leur déjà pauvre budget, éreintées par les écoliers, les angoissés de leur maison ; les pères dépassés, émincés, inquiets, liquéfiés, pétrifiés, parfois « zorroifiés » et pourtant horrifiés !

« J’en suis encore à attendre la venue d’un philosophe médecin-au sens exceptionnel du terme- dont la tâche consistera à étudier le problème de santé global d’un peuple, d’une époque, (…), d’une humanité »

Nietzsche

Je suis furieusement indignée quand je pense à ce proverbe indien « Nous n’héritons pas de la terre de nos ancêtres, nous l’empruntons à nos enfants »...Que faisons-nous de ce monde, que nous pillons et dans lequel nous installons ces inégalités, que la crise, provoquée par le désordre de la nature que nous avons-nous-même orchestré, amplifie comme un miroir grossissant, déformant, honteux  et teigneux !!...Inégalités dans l’angoisse, dans les conditions de confinement, coercitives, dans la déroute économique et sociale, dans le déconfinement progressif, régressif, subversif…

« Il est vide le discours du philosophe qui ne soigne aucune affection humaine. »

Epicure

Je suis indignée, terriblement furieuse et n’ai de cesse de faire cesser ce serpent qui siffle à ces zoreilles, de cesse de saisir le zeste de cette substance, ce sang souillé, ce sarcophage solitaire et sempiternel, de cesse de sourire, de souffrir, de subir, de soupirer, de soulager, de susurrer… Inacceptable est cette condition, on est tous responsable, sable de la plage, avec vue sur mer, mère en pleine tempête, pète ta crise, chrysanthème !! ...

Je suis furieuse et indignée face à ce discours technocratique, ces critères de rentabilité qu’on nous assène jusqu’en quarantaine !!...Après l’idéal de décroissance, de présence à soi, de solidarité, les rivalités et la logique capitaliste reprennent le dessus…Il ne faudra pas oublier de faire gronder la révolte populaire…Après !

Je suis furieuse et indignée quand je vois les inégalités de ce monde… « On mourra de faim avant d’être tués par le virus », « c’est le Pochvid20 qui tuera bientôt plus que le Covid19 » !!... « Quel est le rapport coût-bénéfice d’une vie sauvée » ? « Et si le Covid 19 était la maladie des riches » ?!...

« Il n’y a ni mauvaises herbes, ni mauvais hommes. Il n’y a que de mauvais cultivateurs »

V. Hugo

Je suis furieuse et indignée par cette rhétorique guerrière dont on nous impose la métaphore suggestive et les retentissements traumatiques…

Je suis furieuse et indignée devant ces atteintes liberticides, cette gestion de crise paternaliste et infantilisante, désespérante, oublieuse de l’appel à la responsabilité individuelle et collective, poussant à la désobéissance civile bien plus respectueuse et porteuse de sens y compris en terme de santé publique…

Je deviens moins furieuse tout en restant indignée, acceptant la théorie de l’effondrement, mobilisant les ressources naturelles d’entraide, plaidant pour la « collapsologie heureuse » !!...

« Il nous faut entrer en relation, en empathie, avec tout ce qu’il y a d’unique, de singulier, de merveilleux, de fragile, de menacé dans chaque être humain, et dans la nature qui nous entoure. Et nous demander ce que nous pourrions faire pour protéger, préserver, réparer, soigner, et empêcher de disparaître. (…) Dans le respect de l’extraordinaire vulnérabilité de ceux qui nous ont fait naître, de ceux qui nous entourent et de ceux qui nous survivront. »

JC Ameisen, Dans la lumière et les ombres

Je suis indignement furieuse, et ma colère et ma rage se transforment en énergie vitale, en chant en danse, en écoute, en temps, en contenance, en patience, en générosité, en authenticité, en simplicité, en essentialité, et transcendent la douleur, la souffrance, laissant place à l’imprévisible, laissant surgir au détour du chemin, au croisement de la rencontre, une humanité débordante, foisonnante, printanière, prête à éclore et à s’épanouir !

Et je suis touchée par la furieuse dignité, la digne « furiosité », les ressources insoupçonnées, les résurgences de résilience dans les quartiers, dans les cités !!...

« De tout, il resta trois choses : la certitude que tout était en train de commencer, la certitude qu’il fallait continuer, la certitude que cela serait interrompu avant que d’être terminé. Faire de l’interruption, un nouveau chemin, faire de la chute, un pas de danse, faire de la peur, un escalier, du rêve, un pont, de la recherche…une rencontre. » 

Fernando Pessoa

Couper le son

par Stéphanie Joirre

J’ai beau couper le son

J’ai beau couper le son

Ce que je vois du monde me tétanise

Ce que je ressens me paralyse

Dans ma tête, je tourne en rond

Jusqu’à en perdre la raison

Je me demande comment

Ne pas laisser à nos enfants

Une terre désolée, des vies sans lendemain

Des humains en errance, un monde en déclin

Où les puissants et la finance

Parient sur nos peurs, nos dépendances

Faut-il être égoïste, ne penser qu’à soi

Construire quelque part, au fond d’un bois

Un rempart à la croissance folle

Bâtir un bunker, un entresol

Rempli de provisions, d’armements

Survivre aux effondrements ?

Faut-il rejoindre un mouvement

Agir localement,

Enrichir un lopin de terre

Nourrir des villes entières

Rendre nos communes autonomes

En faire des palindromes ?

Faut-il être lanceur d’alertes, dissident

Aider les sans-abris, les migrants

Passer par la case prison

Renverser le pouvoir, être mis au pilon

En piratant les banques, les urnes

Le système tout entier, coloniser Saturne ?

Faut-il, comme nous l’apprend l’Histoire,

Répéter le passé sans espoir

De plus d’équité pour l’humanité

Toujours les mêmes scènes à rejouer

Ne vivre que par métaphores

Asphyxié par les décors

Je ne sais pas

Je ne sais pas

Pourtant j’y réfléchis

Chaque jour, chaque nuit

Quand on y pense

par Stéphanie Joirre

 

Quand on y pense, on est tout petit

Des grains de poussières dans la galaxie

 

Quand on y pense, on est très grand

A côté des insectes, on est des géants

 

Quand on y pense, on est tous différents

Quand on y pense, on est tous pareils

 

Quand on y pense, on voit la main du vent

Effleurer nos visages, repousser les nuages,

Transporter les graines et les planter plus loin

 

Quand on y pense, on goûte au souffle du soleil

En tétant de la menthe, en suçant des groseilles

En croquant des amandes, en savourant du miel

 

Quand on y pense, on arrête le temps

Lorsqu’on écoute l’oiseau chanter, les vagues déferler

On le met en suspens

Lorsqu’on imagine des formes dans les nuages,

Des paréidolies dans les paysages

 

Quand on y pense, on voit les choses autrement

Lorsqu’on est à l’envers, la tête en bas, les pieds en l’air

Sous chaque angle, c’est différent

 

Quand on y pense, lorsqu’on nage au fond de la rivière,

On entend le murmure des montagnes dans l’eau

On sent fondre la neige des glaciers sur sa peau

 

Quand on y pense, on a de la chance

La vie est merveilleuse

Si on le souhaite, on peut la rendre heureuse

Nuit

par Félicie B.-Winstanley

Tout s'assombrit, tout se noircit, tout se fixe;

La nuit est effrayante

comme un fantôme qui, une demeure hante

Chaque rêve possède une pointe d'angoisse,

Comme une joyeuse aventure que l'on froisse

Et qui à sa façon nous glace.

 

Le petit peuple qui nous protège

S'envole et disparaît comme un flocon de neige

Que le vent emporte et fait cabrioler comme dans un manège.

Inspirée par 

Chaleur 

Tout luit, tout bruit, tout bleuit ;

Le jour est brûlant comme un fruit

Que le soleil fendille et cuit.

 

Chaque petite feuille est chaude

Et miroite dans l'air où rôde

Comme un parfum de reine-claude.

 

Du soleil comme de l'eau pleut

Sur tout le pays jaune et bleu

Qui grésille et oscille un peu.

 

Un infini de plaisir de vivre

S'élance de la forêt ivre,

Des blés roses comme du cuivre.

Par Anna De Nouailles

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